ORGANES ARTIFICIELS

ORGANES ARTIFICIELS
ORGANES ARTIFICIELS

Pour soigner les organes déficients, les médecins disposent de plusieurs méthodes: administrer des médicaments par différentes voies (orale, cutanée, musculaire, vasculaire, méningée, péritonéale) en essayant de rechercher une efficacité maximale au niveau de l’organe traité; recourir à la chirurgie pour enlever les organes malades, les «restaurer» ou mettre à leur place un autre organe issu du malade lui-même ou d’une autre personne, ce qui constitue le vaste domaine des greffes et des transplantations; se servir de différents types de rayonnements pour supprimer ou stimuler certaines cellules, ou bien encore utiliser des substitutions artificielles de fonctions ou d’organes – prothèses, pour remplacer un organe qui a disparu, et orthèses, pour assister un segment ayant perdu ses capacités de motorisation. Les problèmes techniques sont différents s’il s’agit de suppléances placées à l’extérieur du corps ou s’il s’agit d’organes artificiels implantés. Ces deux catégories ont fait d’énormes progrès, du fait de l’introduction de matériaux nouveaux, des progrès de l’électronique et de l’informatique et, avant tout, d’une meilleure connaissance du mode de fonctionnement du corps humain. Nous envisagerons successivement les problèmes techniques généraux posés par les organes artificiels, leur classification, les aspects économiques et les limites des progrès futurs.

Problèmes techniques généraux

D’une façon générale, remplacer un organe déficient ou disparu par un système artificiel impose de bien connaître le cahier des charges de la structure biologique qu’on souhaite remplacer. L’homme est une machine complexe, qu’il n’a ni conçue ni réalisée. Il lui a fallu décrypter les programmes et tenter d’en comprendre le fonctionnement. D’une façon didactique, on peut ranger toutes les fonctions de l’homme en quatre sous-programmes: la communication, la locomotion, la maintenance biologique et la reproduction.

La communication comporte des organes d’entrée , représentant les systèmes sensoriels de la vision, de l’audition, de l’olfaction, de la gustation et du sens tactile, un processeur mental , l’encéphale, qui est une véritable boîte noire, capable de stocker des informations et de les traiter, et des effecteurs permettant de transmettre des messages sous forme parlée, écrite ou gestuelle. Environ 80 p. 100 du potentiel cérébral gère des automatismes, des servomécanismes, des exécutions de programme, des accès à la mémoire, et environ 20 p. 100 représente l’aire de décision ou de réflexion consciente, utilisant un langage global.

La locomotion est assurée par des systèmes polyarticulés, dont les déplacements sont rendus possibles par des moteurs musculaires à commande proportionnelle. Deux paires d’appendices peuvent autoriser toute forme de locomotion. En régime bipède, qui est une des spécifications de la locomotion humaine, deux fonctions interagissent: la propulsion, utilisant des poussées au sol, et la stabilisation, faisant appel à de nombreux capteurs pour boucler les automatismes de correction d’équilibre.

La maintenance biologique regroupe les fonctions permettant à l’homme de survivre en consommant de l’énergie, nécessaire au fonctionnement des organes. La pompe cardiaque travaille 24 heures sur 24, ce qui représente, pour un homme de soixante-dix ans ayant vécu sans émotions, deux milliards et demi de pulsations, véhiculant quelque trois cents millions de litres de sang. Le circuit d’oxygénation pulmonaire travaille également en régime permanent. L’alimentation en énergie est fournie par le tube digestif dont l’homme contrôle constamment l’entrée et la sortie, le reste s’opérant fort heureusement de façon entièrement automatique, en faisant intervenir tous les systèmes glandulaires et le laboratoire hépatique. Les erreurs d’utilisation conduisent fréquemment à des surcharges. L’épuration des déchets des métabolismes se fait par le filtre rénal et par le tube digestif. Le système immunologique de défense protège efficacement l’identité tissulaire individuelle.

La reproduction est basée sur le mélange de deux plans génétiques, permettant de créer un individu nouveau. L’homme, grâce à la rigidification de son organe sexuel, instille, dans les voies génitales de la femme, les spermatozoïdes mobiles qui vont à la rencontre de l’ovule pour la fécondation.

Enfin, l’intégration des fonctions biologiques se fait principalement par un vecteur humoral, le sang, capable de transporter vers des organes choisis des messagers hormonaux sécrétés par les glandes endocrines. Ces interactions complexes sont régulées par le système nerveux.

Le survol de ces quatre sous-programmes montre combien la liste des déficiences d’organes susceptibles d’être compensées par des prothèses ou des implants est longue. Il est clair, cependant, que les organes artificiels ne peuvent pas prétendre remplacer des cellules sécrétrices ou des produits spécifiques dont les médicaments s’efforcent de pallier la déficience.

Sur le plan technique, la conception d’un organe artificiel, quel qu’il soit, nécessite de bien connaître l’organisation de la fonction à remplacer. Le cahier des charges d’une prothèse doit tenir compte de tous les paramètres biologiques pour avoir quelque chance de jouer son rôle de suppléance. Il doit également prendre en considération les besoins réels des patients et la bonne adéquation entre ce qu’ils souhaitent et ce qu’on veut valablement leur proposer, compte tenu de leurs spécifications individuelles. Ce dernier point rend difficile l’industrialisation des prothèses, qui peut cependant se faire en tenant compte des variations individuelles, ce qui justifie, dans certains domaines comme les implants articulaires, les modes d’approche C.A.O. (conception assistée par ordinateur).

Enfin, l’un des points clés de l’utilisation d’organes artificiels nécessitant un système de commande est l’interface vivant-artificiel. À titre d’exemple, les prothèses de la main n’auront jamais l’habileté de la main humaine pour des raisons d’ordre mécanique liées à la complexité des petits mouvements digitaux qui font la souplesse de l’adaptation à la forme variable des objets. Si on leur donne plusieurs fonctions, en plus de la simple ouverture ou fermeture des doigts, l’interface de commande devient d’un degré de complexité largement supérieur à celui de la commande naturelle et le plus souvent la prothèse est rejetée, surtout s’il s’agit d’amputation unilatérale, ce qui est statistiquement le cas le plus fréquent.

On doit donc s’attacher à rendre l’interface de commande d’un organe artificiel le plus simple possible, ce qui n’exclut pas, dans certains cas, d’introduire des automatismes de fonctionnement, travaillant en boucle fermée, en ne donnant à l’interface qu’une charge d’initialisation correspondant à ce qui se passe sur le plan physiologique.

En ce qui concerne les organes implantés à l’intérieur du corps, d’autres problèmes se surajoutent. Tout d’abord intervient la biocompatibilité , c’est-à-dire la garantie d’une tolérance de l’implant par les tissus dans lesquels il est introduit. Tout phénomène chimique, interagissant de façon toxique avec le milieu biologique, ou tout phénomène physique, tel que frottement, mouvement, génération de microcourants, peut entraîner des réactions de rejet avec mobilisation des systèmes immunitaires de défense nécessitant l’ablation de l’implant. L’évolution technique des matériaux est telle que nous disposons actuellement d’une palette très large de matériaux biocompatibles, dont certains sont d’ailleurs empruntés au monde animal ou végétal. Ensuite, l’implantation d’un organe présuppose une fiabilité suffisante pour éviter de recourir, pour sa maintenance, à un contrôle par un accès direct. Cependant, la très grande supériorité technique des systèmes biologiques, qui sont pour la plupart capables d’autoréparation ou de cicatrisation, fait que les phénomènes d’usure observés avec le temps dans les implants artificiels expliquent la préférence des utilisateurs pour les objets naturels. En outre, l’étanchéité des systèmes implantables doit être traitée avec le plus grand soin, à seule fin d’éviter l’irruption de liquides biologiques pouvant aboutir à une corrosion entraînant à terme la destruction de l’implant.

Classification

De nombreuses classifications des organes artificiels ont été proposées, tenant compte de la fonction à remplacer, du mode de fonctionnement ou de la localisation à l’extérieur ou à l’intérieur du corps. On peut également reprendre le regroupement correspondant aux quatre sous-programmes de la machine humaine pour établir ce catalogue.

Les prothèses de communication concernent les systèmes d’acquisition sensoriels et, dans l’état actuel de nos techniques, la vision et l’audition. L’œil est un organe complexe, combinant un système optique à géométrie variable et une matrice de réception point par point de l’image avec un point de fixation, la macula, à haute résolution grâce à une concentration énorme de capteurs (135 000 cônes par millimètre carré). Le nerf optique, qui conduit les signaux codés par les étages d’analyse de la rétine, compte un million de fibres nerveuses. Outre les relais d’articulation motrice pour les mouvements oculaires, l’image est reconnue et mémorisée au niveau du cortex spécifique visuel du lobe occipital. Concevoir une prothèse visuelle est donc particulièrement difficile. Le système le plus simple est l’optique interposée devant l’œil ou placée directement sur la cornée pour pallier sa déficience. C’est une industrie prospère répondant à la demande de vingt-deux millions de Français. Redonner une vision en l’absence de globe oculaire est nettement plus difficile. Des tentatives ont été faites par William Dobelle aux États-Unis ou Gilis Brindley en Angleterre qui ont implanté des matrices de 64 ou 80 électrodes dans le cortex visuel. La captation des images se fait à l’aide de microcaméras de télévision. Le résultat est très limité et le restera sans doute, compte tenu de l’impossibilité de se placer dans le même ordre de miniaturisation.

L’audition est fournie par un capteur de vibrations sonores, le tympan, qui travaille en milieu aérien et transmet, par une chaîne de trois petits os à impédance mécanique contrôlée par des muscles, le signal amplifié à un analyseur de fréquences, la cochlée. Celle-ci est remplie d’un liquide assurant la survie d’environ trente-cinq mille cellules sensorielles, permettant l’identification tonale des sons et leur stockage au niveau du cortex temporal. Utiliser une audioprothèse impose la persistance d’une partie du système nerveux spécifique sur la chaîne auditive. Les prothèses peuvent amplifier le signal de façon globale, ou dans une bande de fréquences donnée, en fonction du profil auditif du patient. Les progrès de la miniaturisation électronique ont permis de placer ces prothèses directement dans le conduit auditif externe. Dans certains cas de surdité profonde, des électrodes multiples ont été placées au niveau de la cochlée en différents points correspondant à des sites d’analyse fréquentielle différents, telles les techniques de Claude-Henri Chouard en France, ou de Derald Brachman à Los Angeles; actuellement, certains se contentent d’une seule électrode introduite dans la cochlée. Tous ces implants cochléaires ont un système électronique plus ou moins sophistiqué permettant d’analyser les sons et de transmettre des stimulations spécifiques. Certains, comme William House aux États-Unis, implantent les prothèses directement dans le nerf auditif, ou, comme William Dobelle, dans le cortex temporal, plus difficile d’accès que le cortex visuel occipital. L’ensemble de ces approches ne permet pas d’espérer, dans l’avenir, une oreille artificielle capable d’approcher la finesse de l’oreille humaine (implant cochléaire).

Remplacer le cerveau est le rêve de tous ceux qui s’occupent de transplantation d’organes. Dans une certaine mesure, on peut assimiler à une prothèse de cerveau les systèmes informatiques portables, qui sont de plus en plus petits et de plus en plus puissants. Auxiliaires des fonctions cognitives, ils ont pour l’instant un accès tactile, mais les progrès de la reconnaissance vocale et de la synthèse de la parole n’excluent pas de pouvoir un jour implanter des mémoires ou des processeurs artificiels qui augmenteraient les capacités cérébrales d’un individu.

Revenons à des perspectives moins lointaines: il existe, dès à présent, des possibilités de suppléer le fonctionnement de certains centres nerveux par l’électrostimulation. Ces neuroprothèses accèdent aux commandes neuromotrices par des électrodes placées sur la peau, dans les muscles, autour des nerfs ou dans les nerfs. Elles peuvent être pilotées de l’extérieur grâce à une transmission en radiofréquence. La restauration de fonctions complexes, comme la marche ou la préhension chez certains paralysés par une atteinte de la moelle épinière, est concevable et fait l’objet de très nombreux travaux, principalement en France, aux États-Unis, en Angleterre, en Allemagne et en Italie. L’électrostimulation du système nerveux est également utilisée pour lutter contre la douleur ou contre la contraction réflexe non contrôlée des muscles, réalisant la spasticité.

Les prothèses de locomotion représentent en premier lieu des appareils fixés au corps pour remplacer les segments disparus par amputation. Les guerres, malgré leurs objectifs de destruction, ont eu le mérite de permettre un grand développement de l’appareillage. Les progrès tiennent à l’utilisation de biomatériaux, légers et résistants, tels les plastiques ou les matériaux composites, du type fibres de carbone.

Pour le membre supérieur, les prothèses complètes sont restées au stade du prototype de laboratoire. Leur problème majeur est le contrôle par un interface simple d’un système polyarticulé à multiples degrés de liberté. Des manipulateurs programmables ont été également utilisés pour les paralysés des membres supérieurs et cette robotique médicale reste encore un des axes de recherche, qui, pour aboutir, doit cependant rester lié à des programmes industriels. Les prothèses de main demeurent des instruments rudimentaires sur le plan fonctionnel. Le plus souvent, dans les amputations unilatérales, le patient peut pratiquement tout faire d’une main seule et souhaite surtout une prothèse esthétique plutôt qu’une prothèse fonctionnelle. Pour le membre inférieur, la qualité majeure doit être la stabilité. L’utilisation des matériaux plastiques a changé complètement le profil des appareils. Deux problèmes subsistent: l’adaptation au moignon et les douleurs d’amputation, dont le traitement est particulièrement difficile. Dans les paralysies des membres inférieurs, les orthèses de déambulation permettent aux paralysés de se tenir debout et de se déplacer avec des cannes. Des tentatives de motorisation ont été faites sous forme de machines à marcher, principalement en Yougoslavie et en France, à l’Unité 103 de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale. L’utilisation possible des muscles sous-lésionnels par l’électrostimulation fonctionnelle est sûrement la voie la plus prometteuse pour la restauration de la locomotion chez les paralysés.

Les organes artificiels de la maintenance biologique représentent un très vaste domaine qui a nettement progressé sur le plan technique ces dernières années.

Le cœur artificiel est celui qui a suscité le plus de polémiques. Le premier modèle expérimental fut développé par l’Allemand Wilhelm Kolff en 1958 et, depuis, de très nombreuses équipes en Amérique (dans le laboratoire de Kolff: le cœur artificiel de Jarvik), au Japon, en France ont développé leur propre prothèse cardiaque. En version implantable dans le thorax, les problèmes principaux sont la biocompatibilité des chambres de propulsion, l’effet de la mécanisation du sang qui peut entraîner une hémolyse, l’énergie pour alimenter la pompe, la fiabilité dans le temps et les problèmes de régulation à l’effort. Les cœurs artificiels, les ventricules artificiels sont utilisés à titre temporaire en attente de greffe. Certaines prothèses sont des chambres déformables rappelant la morphologie du ventricule, d’autres sont de réelles pompes rotatives à débit variable. De

nombreuses équipes utilisent le cœur artificiel comme système extérieur de suppléance, permettant la survie d’un patient dans l’attente d’une transplantation cardiaque, dont les progrès, liés à une meilleure connaissance des défenses immunitaires, devraient apporter des solutions valables dans l’avenir. De ce fait, les indications réelles du cœur artificiel implantable diminuent avec le temps, en se limitant actuellement aux cardiomyopathies. Par contre, les troubles du rythme cardiaque ont conduit à l’implantation de dispositifs de stimulation électrique du myocarde, rétablissant une séquence auriculo-ventriculaire efficace. Les stimulateurs (pacemakers) constituent un des succès les plus extraordinaires des organes artificiels. Ils se sont progressivement sophistiqués, permettant des régulations fines de l’activité cardiaque. Les dernières versions ont, en plus de leur rôle de stimulation myocardique, une fonction de défibrillation, grâce aux défibrillateurs implantables, pouvant sauver d’une mort certaine un grand nombre de cardiaques.

Les vaisseaux artériels, et en particulier l’aorte qui distribue le sang à la sortie du ventricule gauche, peuvent être désormais remplacés par des prothèses vasculaires en plastique de plus en plus fiables.

Le rein artificiel est un des systèmes de suppléance les mieux réussis; il pourra, dans un avenir raisonnable, devenir implantable. Le filtre rénal est indispensable à la vie, comme la pompe cardiaque. L’idée de purifier artificiellement le sang par la dialyse est née en 1854, grâce aux travaux de Thomas Graham. Une application en a été faite chez une malade en 1926, en Allemagne, par Georg Haas, puis Wilhelm Kolff créait en 1945 la première machine utilisable en clinique. Depuis, les progrès ont été considérables et plusieurs centaines de milliers de patients bénéficient de cette technique de survie. La taille des filtres a nettement diminué et leur efficacité a en revanche augmenté. Le branchement sur le système vasculaire a fait de nombreux progrès et, désormais, il existe un peu partout, quoique en nombre insuffisant, des centres d’hémodialyse parfaitement équipés.

Les minipompes implantables représentent un des domaines qui pourraient connaître, dans les années à venir, un grand développement. Il s’agit de dispositifs d’injection médicamenteuse implantés et raccordés soit au système vasculaire, soit aux espaces conjonctifs, soit à la cavité péritonéale dont les capacités d’absorption sont bien connues. Programmables et contrôlables de l’extérieur par radiofréquence, elles peuvent dans certains cas établir de véritables régulations, grâce à un feedback à partir de capteurs implantés. Le diabète en est une des indications, encore qu’actuellement la mesure en continu de la glycémie par un système implanté ne soit pas au point. Des pancréas artificiels extérieurs existent, ainsi que des systèmes hybrides utilisant des cultures de cellules pancréatiques, mais la solution d’avenir ira vers des minipompes implantables. Celles-ci seront aussi employées pour la correction de troubles endocriniens des glandes sexuelles, pour des traitements ultrarapides d’arythmies cardiaques, ou pour des soins de longue durée de certaines maladies chroniques nécessitant des injections médicamenteuses répétées. Certains traitements psychiatriques pourraient aussi en bénéficier.

Les systèmes d’assistance métabolique extracorporels permettent la survie de certains malades. Ils se développeront pour des traitements longs, nécessitant des régulations multiples par le contrôle de nombreux paramètres biologiques et par des injections étalées dans le nycthémère. Les troubles hépatiques graves bénéficieront encore longtemps de ces machines extracorporelles tant que les transplantations hépatiques ne seront pas plus fiables. Il en va de même de toutes les assistances respiratoires.

Il n’existe pas réellement de prothèses de reproduction , car les cellules sexuelles, qui constituent la base de création d’un nouvel individu, n’auront jamais d’équivalent artificiel. Par contre, le mode d’instillation des spermatozoïdes dans les voies génitales de la femme, pour permettre leur rencontre avec l’ovule, impose l’érection. Cette fonction est sujette à de nombreux dérèglements dus principalement à des causes psychiques ou à la dégradation normale des structures avec l’âge. Les prothèses péniennes ont d’abord été des tuteurs rigides implantés dans les corps caverneux, ce qui supprimait l’angoisse mais créait des problèmes vestimentaires. Les systèmes actuels reproduisent la déflation de l’organe et son érection par une pompe implantée, ce qui est plus proche de la physiologie normale.

Les problèmes économiques

Les technologies à mettre en œuvre pour créer des organes artificiels fiables sont d’un niveau très élevé, expliquant la nécessité d’investissements importants. On estimait aux États-Unis, en 1980, le nombre de malades pouvant bénéficier d’un stimulateur à vingt mille, d’un rein artificiel à cinquante mille, ce qui représentait une dépense de santé respectivement de 8 millions de dollars et de 1,2 milliard de dollars. Aujourd’hui, ces données ont pratiquement doublé. Le marché des prothèses articulaires est également en progression constante. Environ cinquante mille prothèses de hanche sont posées chaque année en France, ce qui représente des frais médicaux de plusieurs millions de francs, cumulant le prix du matériel, les frais d’intervention chirurgicale et d’hospitalisation. Pour les fabricants, la complexité des problèmes techniques liés à la biocompatibilité, à la résistance dans le temps, à la fiabilité sur des systèmes travaillant en régime permanent impose des budgets de recherche très élevés, qui augmentent le prix des prothèses. Ce problème économique est en réalité un véritable choix de société. Remplacer de nombreux organes chez un individu n’est pas forcément un placement sûr pour la société dans la mesure où les dépenses engagées ne sont pas garanties par des rentrées identiques. Si l’objectif d’un groupe humain est de conserver chacun de ses membres le plus longtemps possible dans les meilleures conditions biologiques qui soient, il est clair que l’essentiel du budget doit être orienté dans ce sens. Malheureusement, d’autres préoccupations budgétaires que celle-là existent et rendent utopique toute tentative d’améliorer sérieusement la vie de chacun par les organes artificiels. Pour un pays, l’économie de la santé ne conduit pas obligatoirement à la santé des économies.

Les limites du progrès

L’homme artificiel ou l’homme bionique auquel ne resteraient que quelques éléments tissulaires naturels est malheureusement un rêve. Ceux qui fabriquent des robots ont compris depuis longtemps que l’homme vivant est trop complexe pour pouvoir, dans les mêmes limites de poids, être reproduit sous forme d’une machine artificielle. De plus, quels que soient les progrès réalisés, les matériaux artificiels n’auront jamais un potentiel d’autoréparation, comme les tissus biologiques. En outre, le degré de miniaturisation des composants cellulaires, qui se situe au niveau du nanomètre, rendra difficile les substitutions d’organes complexes. L’avenir sera largement ouvert pour les organes hybrides, combinant des matières artificielles et des cellules vivantes. Pour cela, il est nécessaire de progresser encore en immunologie.

Remplacer certains organes déficients, en assister d’autres dans leur fonctionnement, sont des perspectives raisonnables et la promesse, dans les années à venir, de nombreuses solutions techniques audacieuses. Mais l’une des règles du jeu biologique reste quand même d’aller irrémédiablement vers la mort, même si nous sommes équipés, au-dedans de nous-mêmes, de quelques organes artificiels fiables, nés du génie des hommes.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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